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05/02/2013

Clémence Boulouque 1a

Bloc-Notes, 5 février / Les Saules

littérature; récit; livres

Trois ans après le suicide de son père, le juge Gilles Boulouque - qui est à l'origine de son premier livre, Mort d'un silence, Clémence Boulouque affronte une autre tragédie: le suicide de sa meilleure amie de lycée, Julie, dans les années 90, marquant comme une mélodie douloureuse et secrète son adolescence. 

Tel est le thème de Je n'emporte rien du monde. Court, bouleversant dans sa retenue et sa sincérité, ce récit qui s'ouvre comme une boîte à musique, dépasse - de loin - le cadre strict du témoignage autobiographique, pour nous interroger sur le sens de l'écriture qui veut dire la vie, là où se déploient les ombres énigmatiques de la mort. Des pages de toute beauté jalonnent son livre sur ce sujet intime et délicat, amorcé avec le deuil du père qui lui a donné à connaître la compagnie des disparus, cette façon de lire leurs traces comme du braille, de passer la main sur du vide, de continuer d'entendre leurs voix. (...) Je voudrais croire que les disparus viennent nous retrouver, dans nos fragilités. Leur présence se fait plus intense quand nous aurons bientôt besoin d'eux. Ils le devinent. J'ai compris, une nuit, qu'ils m'empêchent d'être seule quand tout déferle. Parce que trébucher n'est rien, les coups ne peuvent rien, leur trace est une inflexion de vie. 

Dans les yeux des endeuillés, pour Clémence Boulouque, se prolonge invisible, l'histoire sans fin de ceux qui nous ont quitté, nous interpellent, nous réconfortent: Je leur dois le bonheur qui a glissé entre mes mains. Eux, me filent. Je les suis, je suis eux, et ils m'ont donné leur procuration, leur énergie, et ils murmurent une envie de continuer à vivre ou, peut-être, leur regrets ne n'avoir pas assez aimé ce qu'ils quittaient.

Ainsi de Julie, l'amie inséparable, dans ce monde de titubants solitaires. La part manquante, ce fragment de vie arraché à la vie de l'auteur à laquelle répond celle de la disparue qui par des voies mystérieuses insuffle sa force aux vivants. Pourtant, avec une infinie douceur, Clémence Boulouque n'esquive pas, dans ce travail du deuil et de la résilience, la vision peut-être déformée ou mythifiée de la mémoire, prélude à la guérision, mais non à l'oubli: Le monde est fait pour qu'on s'en échappe. Alors je le fixe puis je ferme les yeux. Et je te retrouve. Et je referme un cahier sans fleurs, notre livre, le livre de deux mortes, dont l'une écrit pour l'autre.

Sans aucune morbidité mélodramatique, elle conclut son récit avec ces mots de la douleur qui s'éteint: Laisser les morts nous quitter. S'en séparer. Le temps est passé. Alors le temps est venu. Je n'emporte rien du monde peut alors résolument s'ouvrir à nouveau, sur la vie, tel un livre à venir...

Parmi tant d'ouvrages complaisants, bavards et interminables, la brieveté de Je n'emporte rien du monde, sans un mot superflu, amplifie le trouble du lecteur et laisse au coeur une trace indélébile: celle de l'un des plus beaux livres de cette rentrée littéraire!

Née en 1977, Clémence Boulouque, écrivain, journaliste et critique littéraire, notamment au Figaro et à France Culture, vit aujourd'hui aux Etats-Unis et enseigne à la New York University. Parmi ses publications antérieures, ont déjà été présentés sur La scie rêveuse: Chasse à courre (coll. Folio/Gallimard, 2007), Au pays des macarons (coll. Le Petit Mercure/Mercure de France, 2005), Nuit ouverte (Flammarion, 2007), Survivre et vivre - Entretiens avec Denise Epstein (Denoël, 2008) et L'amour et des poussières (Gallimard, 2011). 

Clémence Boulouque, Je n'emporte rien du monde (Gallimard 2013)

Clémence Boulouque, Mort d'un silence (coll. Folio/Gallimard, 2004)

00:10 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Clémence Boulouque, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

10/01/2013

André Brink

9782742760077.gifAndré Brink, L'amour et l'oubli (Actes Sud, 2006)

 

Chris, un écrivain sud-africain, aborde l'hiver de sa vie. Avant de perdre la mémoire, de ne plus percevoir l'importance des choses ou leur légèreté, il revisite les belles années de sa vie qui ont accompagné sa vie d'écriture et de combats politiques - une vie de Sud-Africain blanc, enseignant, écrivain et militant, souvent en danger, emprisonné parfois, et toujours témoin révolté de son temps. L'amour et l'oubli est une autobiographie fictive, par le biais de laquelle André Brink rend hommage avec une évidente honnêteté au désir et à l'amour qui ont construit, nourri et régénéré l'homme - plus encore que l'écrivain - dans un pays brûlant de violences et d'engagements, de trahisons, de passions, d'exils et d'utopies.


Livre magistral d’un des plus grands écrivains de la littérature contemporaine, qui à l’heure de la mort de sa dernière compagne, explore les ombres de la mémoire et du temps afin de se laisser aller à revivre les moments de bonheur de son existence. En filigrane, un hommage à toutes les femmes qui lui ont insufflé tant la force nécessaire pour combattre l’exclusion et les inégalités, que le désir simple et plus intime du plaisir partagé.

 

Egalement disponible en coll. Babel (Actes Sud, 2009)

12:49 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

11/12/2012

Malika Mokeddem

 

malika.jpgMalika Mokeddem, Mes hommes (Grasset, 2005)

Après La transe des insoumis, Malika Mokeddem nous revient avec ce récit important qui est un hymne constant à la liberté personnelle, à l’intégration française, sans pour autant couper les racines avec sa terre natale, l’Algérie : Une caractéristique assez rare… Son ton est juste, lucide, courageux et nous interpelle à chaque page. De plus, son style est magnifique !

J'ai quitté mon père pour apprendre à aimer les hommes, ce continent encore hostile car inconnu. Et je lui dois aussi de savoir me séparer d'eux. Même quand je les ai dans la peau. J'ai grandi parmi des garçons. J'ai été la seule fille de ma classe de la cinquième à la terminale. J'ai été la seule pionne dans l'internat au milieu des hommes... Je me suis faite avec eux et contre eux. Ils incarnent tout ce qu'il m'a fallu conquérir, pour accéder à la liberté.

Egalement disponible en coll. Livre de poche (LGF, 2007)

 

00:11 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Malika Mokeddem | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

06/12/2012

Norah Lange

littérature; récit; livresNorah Lange, Cahiers d'enfance (Bourgois, 2008)

Cahiers d'enfance est le sixième ouvrage publié par Norah Lange, en 1937. Il marque le passage définitif de la poésie à la prose de celle qui fut une amie de Borges et la muse des poètes. L'auteur y relate des fragments de son enfance, depuis le voyage à Mendoza avec ses parents et ses soeurs jusqu'au retour de la famille à Buenos Aires, après la mort du père: événements marquants, personnes côtoyées, mais aussi obsessions et rituels mis en place pour les éloigner... 

Dans un style dépouillé et avec une distance voulue par Norah Lange, une petite fille imaginative jette un regard troublé sur le monde qui l’entoure. Une succession de photographies sans souci chronologique, qui ressemblent à des fenêtres révélatrices du sens caché des choses. On songe à Virginia Woolf. 

05:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

10/11/2012

François Bizot

littérature; récit; livresFrançois Bizot, Le portail (Coll. Folio/Gallimard, 2002)

 

François Bizot, membre de l'Ecole française d'Extrême-Orient, est fait prisonnier au Cambodge, en 1971. Enchaîné, il passe trois mois dans un camp de maquisards. Chaque jour, il est interrogé par l'un des plus grands bourreaux du vingtième siècle, futur responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts: Douch. Au moment de la chute de Phnom Penh, en 1975, François Bizot est désigné par les khmers rouges comme l'interprète du comité de sécurité militaire de la ville chargé des étrangers auprès des autorités françaises. Il est le témoin privilégié d'une des grandes tragédies dont certains intellectuels français ont été les complices...


Récit âpre et dur qui nous raconte la détention de l’auteur, fait prisonnier par les khmers rouges. Une écriture splendide pour dire la survie, les contradictions du pouvoir et la relation ambiguë entretenue avec son geôlier Douch, auquel il doit sa libération, mais aujourd’hui en prison, condamné à la perpétuité pour crimes contre l’humanité. Un livre singulier d’une puissance inouïe.

06:16 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

16/10/2012

Abdellatif Laâbi

9782070438372.gifAbdellatif Laâbi, Le fond de la jarre (coll. Folio/Gallimard, 2010)

Nous connaissons mal, chez nous en Suisse, l'oeuvre d'Abdellatif Laâbi, auteur marocain, poète, romancier, traducteur - entre autres oeuvres - de Mahmoud Darwich. Avec Le fond de la jarre, il signe un récit autobiographique, avec les yeux de Namouss, un enfant qui s'veille aux bruissements du monde dans un Maroc à une période charnière de son existence: la fin du protectorat français et la lutte pour l'indépendance. Véritable cour des miracles, ce fond de la jarre nous dévoile les multiples facettes de la ville de Fès, avec sa kyrielle de personnages chaleureux, fantasques, drôles ou effrontés: Ghita la mère rebelle à sa condition, Mikou l'ami des filles et des femmes, l'oncle Touissa qui raconte d'interminables histoires, Ben Youssef dont la vérité et la légende mêlées traversent même les murs... Tout le contraire d'un tableau pittoresque à l'intention des touristes, ce livre est néamoins jubilatoire, intimiste, drôle mais sans se départir d'une certaine gravité inspirée par les circonstances. Extrêmement attachant, il ressemble à un album photographique où s'entremêlent les anecdotes, les événements, les souvenirs célébrant merveilleusement l'amour de la vie, de la famille et d'une ville à jamais reliée à la mémoire collective.  

Né en 1942 à Fès, il a quatorze ans à l’indépendance du Maroc, en 1956. Il est professeur de français à Rabat quand ont lieu les massacres du 23 mars 1965 contre des enfants et leurs parents qui manifestent pacifiquement contre une réforme de l'enseignement jugée injuste. Ceci provoque son engagement politique. En janvier 1972, il est arrêté et torturé. Après huit ans et demi de détention, il est libéré en 1980, grâce à une campagne internationale en sa faveur. Cinq ans plus tard, il quitte le Maroc pour la France - sans pour autant cesser d'exercer une grande influence sur la culture de son pays - et développe une œuvre importante consacrée à tous les genres littéraires : poèmes, romans, pièces de théâtre, essais, livres pour enfants. Abdellatif Laâbi et sa femme Jocelyne ont eu trois enfants : Yacine, né en 1965, Hind, née en 1966, Qods, née en 1972.

Parmi ses oeuvres marquantes, citons Le chemin des ordalies (Denoël, 1982), Le livre imprévu (La Différence, 2010) et surtout son Oeuvre poétique en deux volumes (La Différence, 2006/2010). Il reçoit le prix Goncourt de la poésie, en décembre 2009. 

Sur le site Internet d'Abdellatif Laâbi - http://www.laabi.net/ - vous pouvez apprendre à mieux connaître cet auteur que je vous recommande chaleureusement! 

00:11 Écrit par Claude Amstutz dans Abdellatif Laâbi, Littérature francophone, Mahmoud Darwich | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/10/2012

Colombe Schneck

book_cover_une_femme_celebre_74556_250_400.jpegColombe Schneck, Une femme célèbre (Stock, 2010)

Nous avons tous, un jour, entendu parler de Denise Glaser. Productrice et présentatrice à l'ORTF dans les années 60 d'une émission dominicale entrée dans la légende de la télévision, Discorama, nous lui devons d'avoir déniché des auteurs-interprètes de talent, tels Barbara, Maxime Le Forestier, Serge Gainsbourg, Véronique Sanson ou Catherine Lara, sans oublier des interviews mémorables de Jacques Brel et Léo Ferré. Jugée politiquement trop à gauche sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, elle est privée d'antenne en 1975 et malgré les promesses de l'autre camp, ne reprend pas du service avec l'arrivée au pouvoir de François Mitterand, en 1981. Elle meurt, oubliée de tous, en 1983, sauf de... Barbara et Catherine Lara.

Colombe Schneck nous raconte avec beaucoup d'émotion l'ascension et la chute de cette femme provocante, complexe, fascinante dont les silences, lors de ses entretiens, constituent à eux seuls toute une histoire. En miroir, nous suivons le chemin de vie de Jeanne Rosen, journaliste, qui s'interroge avec humeur sur la précarité du succès, du talent, de la gloire dans le monde médiatique: un univers impitoyable où tous les coups semblent permis... Pour l'anecdote, sachez que les deux sites de Facebook mentionnés dans le livre - pour  faire virer Jeanne Rosen - existent vraiment, sauf qu'ils s'en prennent à... Colombe Schneck!

Du même auteur, vous pouvez découvrir, chez le même éditeur, L'increvable Monsieur Schneck (2006), Sa petite chérie (2007) Val de Grâce (2008). Son dernier livre, La réparation (2012) est paru aux éditions Grasset.

Une femme célèbre est également disponible en format de poche (coll. J'ai Lu/Flammarion, 2012) 




04:24 Écrit par Claude Amstutz dans Barbara, Jacques Brel, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/09/2012

Douna Loup 1a

Bloc-Notes, 17-26 septembre / Curio

Douna Loup 3.jpg

Tu as quatre-vingt-cinq ans et tu trouves encore l'énergie d'exister si fort que ton appartement est entièrement empli de tes quelques quatre mille tableaux et innombrables sculptures. Il y en a partout, dans la cuisine, le salon, la chambre, et tes oeuvres, même serrées, emballées de plastique, restent criantes.

Ainsi commence l'étonnant récit de Douna Loup, celui d'une vieille dame un peu fantasque, qui a traversé le siècle de Bagnolet à Genève, en passant par Porrentruy et Pully, capte l'attention d'une jeune fille et se confie à elle: Je veux que tu écrives ma vie. Que tu la poses. La déroules, la dérides, la fasse divaguer dans les lignes. Je veux que tu écrives pour moi ces kilos de souvenirs calés dans mes veines. Que tu éclates ces veines lourdes d'années.

De cette musique intime à deux voix, Les lignes de ta paume, se dessine sous nos yeux le portrait d'une femme nomade aux sourdes colères, solitaire, indépendante: Nelly Machat la voyageuse immobile, devenue Linda Breuse la dame aux chocolats. Et pourquoi donc? L'un des secrets de sa vie, abrités par son art qui lui permet de façonner désormais son propre monde: Quand je peins, je suis un voilier à l'abri du vent. Ca ne dure pas. Mais avec mes pinceaux j'accoste. Je m'apaise. (...) Et puis, lorsque autour de moi le vent reprend son souffle de plus belle, j'ai des bateaux de papiers colorés, des visages ahuris, des mains de terre et des bouches vociférantes pour m'accompagner dans la houle.  

De cet effort de mémoire, quand les pinceaux se sont tus et qu'elle livre à son interlocutrice les fragments de sa vie, Nelly dévoile le visage de sa mère suicidaire, les leçons de solfège auprès d'un instituteur qui lui fait perdre l'adresse du beau temps, ses talents de coiffeuse, la rencontre de son mari dans un bal, et la rupture sur le tard - avec tous: époux et enfants - qui lui permet d'éviter l'asphyxie et de s'épanouir dans l'espace de la peinture et de la sculpture. Libre enfin, transfigurée: Je déguise mes peines en rires, maquille mes blessures à la bombe, je tague ma vie comme une jeune blonde.

L'écriture de Douna Loup est aussi personnelle que dans son premier roman, L'embrasure, et se hisse même, peut-être, à un niveau plus élaboré sur le plan poétique ici, par un éclairage qui n'est pas sans rappeler celui de Jean-Michel Maulpoix, un autre orfèvre de la langue: J'aime les fleurs. Celles qui sont belles de n'avoir rien à prouver. Ou encore: Le corps de l'été te subjugue. Tu es amoureuse de ses mains d'herbe. (...) Tu aimes le ciel qui te surprend, celui qui tombe comme un duvet d'enfant qu'un rêve trop violent a percé. 

Ce récit est une fantaisie romanesque appuyée sur un personnage bien réel, Linda Naeff, que vous pouvez découvrir par le lien ci-dessous. Des éclats de vie entre Douna Loup et cette artiste a surgi ce fil tendu, né doucement d'abord, comme un flot souterrain, puis qui a trouvé tout à coup son point de jaillissement

Même si quelques snobs ou esprits chagrins se croient obligés de remarquer chez cette jeune romancière quelques fragilités de débutante, je n'ai pour ma part décelé ni préciosité, ni artifice. Sa narration est captivante, avec un sens du récit aussi envoûtant que L'embrasure. Un très beau livre tout simplement...

Les lignes de ta paume est à ce jour, sans conteste, mon livre préféré de cette rentrée littéraire! 

Douna Loup, Les lignes de ta paume (Mercure de France, 2012)

Douna Loup, L'embrasure (Mercure de France, 2010)

Linda Naeff: http://lindanaeff.populus.org/rub/2

24/09/2012

Colombe Schneck

images.jpgColombe Schneck, Val de Grâce (Stock, 2008)

Après nous avoir enchantés avec un pétillant roman, Sa petite chérie (chez le même éditeur) Colombe Schneck, pour notre plus grand bonheur, revient à l’écriture avec ce récit autobiographique, empreint de gravité et pourtant habillé d’une infinie douceur. Exception faite des premières pages, terribles – la dégradation fulgurante et le décès de sa mère – le personnage principal de ce texte est bien le Val de Grâce, lieu dont les murs, les objets, les couleurs évoquent le paradis merveilleux de l’enfance, les visages de ses habitants ou hôtes de passages aujourd’hui disparus, pour la plupart d’entre eux. Colombe Schneck nous apprend à écouter, à regarder, à sentir pour prolonger le souvenir de moments inoubliables et tenter de transmettre aux siens cet art de vivre présent à chaque page de ce livre, tel un trésor enfoui au plus profond de l’être. Avec pour seul bagage son intime musique des mots et des sentiments, son empathie, sa légèreté, elle compose, malgré les blessures du temps, une ode rayonnante à la Vie ! 

également disponible en coll. de poche (J'ai Lu, 2010)

N3 - C Schneck.ppt

08:40 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

22/09/2012

Lucile Bordes

Bloc-Notes, 15-22 septembre / Curio

littérature; récit; livres

Une lecture réjouissante que ce premier récit de Lucile Bordes, partie à la recherche de ses racines familiales, avec pour tout bagage un cliché datant de 1936, des livres de comptes, des partitions pour films muets, des disques, un piano. En fait, l'histoire commence en 1850 avec son ancêtre Auguste, garçon d'épicerie, rêvant d'un ailleurs qui se matérialise sous la forme d'une roulotte de forains et de son propriétaire, Chok, auprès duquel il veut apprendre où mènent les routes, et prêter vie à ses marionnettes, ces gisants de bois.

Il se montre doué, apprend, peint les décors, confectionne les costumes, habille les marionnettes, en sculpte de nouvelles, manie les fils. Chok prend conscience qu'à sa mort, celui-ci assurera la relève et pour lui prouver sa gratitude, lui offre sa marionnette préférée, Crasmagne, le fil conducteur de cette histoire, à l'enseigne du Grand Théâtre Pitou et plus tard du Palace: Auguste reçoit Crasmagne avec dévotion. Il le prend des mains de Chok comme un paquet précieux. Son poids, sa taille, le troublent. Il tient l'enfant de bois comme tout à l'heure son fils endormi. Il est à peine un peu plus grand et un peu plus léger. Mais le même sourire vague dans le sommeil, les mêmes yeux doux du rêve sous les cheveux blonds en bataille, quand on les couche pour de bon le spectacle fini, une fois remis en caisse les costumes et accessoires.

Lucile Bordes nous fait découvrir cette dynastie - la sienne - qui illumine pendant cent cinquante ans les salles de spectacle, traverse les affres de la guerre, les débuts du cinéma, muet puis parlant, signant la fin des saltimbanques auxquels le grand écran est préféré. Avec une plume légère, elle trouve les mots magiques pour parler de cet art proche de l'univers des poètes, dont la nostalgie nous gagne avec un insidieux serrement de coeur: La vie se ramasse et s'embuissonne au coeur des marionnettes, quelque part sous les veines du bois en un endroit que protègent les fibres toujours tièdes, leur coque de peau lisse comme un bonbon sucé lisse sous la langue.(...) Les marionnettes te feront toujours vivre. Ce sont elles qui tirent les ficelles.

Reconstitution d'une généalogie sous une forme romanesque, le récit de Lucile Bordes cerne avec beaucoup de douceur et d'émotion ces faiseurs de rêve dont la vie n'a pas épargné les tribulations, imperceptiblement devenus les marionnettes de leurs créations, sous l'oeil amusé de Crasmagne. Au bout de ce voyage dans le temps, Lucile Bordes - impregnée de la fantaisie familiale - s'ouvre à l'éclairage du jour présent sans rancoeur, avec une infinie gratitude...

Lucile Bordes est née en 1971 dans le Var et vit à La Seyne-sur-mer. Maître de conférences à l'université de Nice, elle anime également des ateliers d'écriture. Je suis la marquise de Carabas est sa première oeuvre littéraire. 

Sur le site des Musées Gadagne de Lyon - lien ci-dessous - vous pouvez retrouver la saga des Pitou et de Crasmagne. Enfin, sur ce blog - dans Morceaux choisis - un extrait de ce très beau livre est présenté.

Lucile Bordes, Je suis la marquise de Carabas (Liana Levi, 2012)

www.gadagne.musees.lyon.fr/index.../thema_pitou.pdf

23:07 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |